Le pape François, dans sa catéchèse de ce mercredi 20 avril, a poursuivi sa méditation sur la miséricorde dans le Nouveau Testament en commentant cet épisode choisi dans l’Evangile selon saint Luc.
Catéchèse du pape :
Chers frères et sœurs, bonjour !
Aujourd’hui, nous voulons nous arrêter sur un aspect de la miséricorde bien représenté dans le passage de l’Évangile de Luc que nous avons écouté. Il s’agit d’un fait qui est arrivé à Jésus alors qu’il était l’hôte d’un pharisien nommé Simon. Celui-ci avait voulu inviter Jésus chez lui parce qu’il avait entendu dire du bien de lui, comme d’un grand prophète. Et tandis qu’ils se trouvaient assis à table, une femme entre, connue comme pécheresse de tout le monde en ville. Celle-ci, sans dire un mot, se met aux pieds de Jésus et se met à pleurer ; ses larmes inondent les pieds de Jésus et elle les essuie avec ses cheveux, puis elle les embrasse et répand sur eux une huile parfumée qu’elle a apportée avec elle.
La comparaison entre les deux personnages saute aux yeux : Simon, le zélé serviteur de la loi et cette femme pécheresse anonyme. Alors que le premier juge les autres sur leur apparence, la seconde laisse sincèrement parler son cœur à travers ses gestes. Simon, bien qu’il ait invité Jésus, ne veut pas se compromettre ni impliquer sa vie avec le maître ; la femme, au contraire, lui fait pleinement confiance avec amour et vénération.
Le pharisien ne conçoit pas que Jésus se laisse « contaminer » par les pécheurs. Il pense que s’il était vraiment prophète, il devrait les reconnaître et les maintenir éloignés pour ne pas être taché par eux, comme s’ils étaient des lépreux. Cette attitude est typique d’une certaine manière de comprendre la religion et elle est motivée par le fait que Dieu et le péché s’opposent radicalement. Mais la Parole de Dieu nous apprend à distinguer entre le péché et le pécheur : avec le péché, il ne faut pas s’abaisser à se compromettre, tandis que les pécheurs – c’est-à-dire nous tous ! – nous sommes comme des malades qui doivent être soignés et, pour les soigner, il faut que le médecin s’approche d’eux, qu’il leur rende visite et qu’il les touche. Et naturellement, pour être guéri, le malade doit reconnaître qu’il a besoin du médecin !
Entre le pharisien et la femme pécheresse, Jésus se range du côté de cette dernière. Jésus, libre des préjugés qui empêchent la miséricorde de s’exprimer, la laisse faire. Lui, le Saint de Dieu, se laisse toucher par elle sans craindre d’être contaminé. Jésus est libre, parce qu’il est près de Dieu qui est un Père miséricordieux. Et cette proximité avec Dieu, le Père miséricordieux, donne à Jésus la liberté. Et plus encore, entrant dans une relation avec la pécheresse, Jésus met fin à cette situation d’isolement à laquelle le jugement sans pitié du pharisien et de ses concitoyens – qui l’exploitaient – la condamnaient : « Tes péchés sont pardonnés » (v. 48). La femme, maintenant, peut donc aller « en paix ». Le Seigneur a vu la sincérité de sa foi et de sa conversion ; c’est pourquoi il proclame devant tous : « Ta foi t’a sauvée » (v. 50). D’un côté, cette hypocrisie du docteur de la loi, de l’autre la sincérité, l’humilité et la foi de cette femme. Nous sommes tous pécheurs, mais bien souvent nous tombons dans la tentation de l’hypocrisie, de nous croire meilleurs que les autres et nous disons : « Regarde ton péché… » Nous devons tous, au contraire, regarder notre péché, nos chutes, nos erreurs et regarder le Seigneur. C’est celle-là la ligne du salut : la relation entre le « je » pécheur et le Seigneur. Si je me sens juste, cette relation de salut n’est pas donnée. À ce moment, un étonnement encore plus grand envahit tous les invités : « Qui est cet homme qui va jusqu’à pardonner les péchés ? » (v. 49). Jésus ne donne pas de réponse explicite, mais la conversion de la pécheresse est sous les yeux de tous et manifeste qu’en lui resplendit la puissance de la miséricorde de Dieu, capable de transformer les cœurs.
La femme pécheresse nous enseigne le lien entre foi, amour et reconnaissance. De « nombreux péchés » lui ont été pardonnés et c’est pour cela qu’elle aime beaucoup ; « mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour » (v. 47). Simon lui-même doit admettre que celui à qui il a été donné davantage aime plus. Dieu a renfermé tout le monde dans le même mystère de la miséricorde ; et à partir de cet amour qui nous précède toujours, nous apprenons tous à aimer. Comme le rappelle saint Paul : « En lui, par son sang, nous avons la rédemption, le pardon de nos fautes. C’est la richesse de la grâce que Dieu a fait déborder jusqu’à nous en toute sagesse et intelligence» (Ép 1,7-
. Dans ce texte, le terme de « grâce » est pratiquement synonyme de miséricorde et elle est dite « débordante», c’est-à-dire au-delà de toutes nos attentes, parce qu’elle réalise le projet salvifique de Dieu pour chacun de nous.
Chers frères, soyons reconnaissants pour le don de la foi, remercions le Seigneur pour son amour si grand et non mérité ! Laissons l’amour du Christ se déverser en nous : le disciple puise dans cet amour et se fonde dessus ; de cet amour chacun peut se nourrir et s’alimenter. Ainsi, dans l’amour reconnaissant que nous déversons à notre tous sur nos frères, dans nos maisons, en famille, dans la société, la miséricorde du Seigneur se communique à tous.