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Sujet: Messe de la Passion et des Rameaux Dim 20 Mar 2016 - 17:49
Dimanche 20 Mars 2016
Messe de la Passion et des Rameaux
Le sort des migrants est très présent dans les pensées du Pape François. Il en a reparlé au cours de la messe solennelle du dimanche des Rameaux sur la place Saint-Pierre. Le Saint-Père a évoqué les nombreuses personnes marginalisées, les réfugiés, les exilés.
Beaucoup, a-t-il déploré sans citer explicitement les pays européens, ne veulent pas assumer la responsabilité de leur destin. La belle célébration des Rameaux qui inaugure la Semaine Sainte avait commencé par la procession traditionnelle : précédé par les nombreux concélébrants avec leur chasuble rouge, le pontife s’était dirigé du Portail de Bronze vers le parvis de la basilique, tenant dans sa main une crosse en bois d’olivier. Près de l’obélisque, il avait béni les palmes et les rameaux d’olivier brandis par des dizaines de milliers de religieux et de fidèles du monde entier. Parmi eux, de nombreux jeunes du diocèse de Rome. La place Saint-Pierre avait été transformée comme chaque année en un jardin fleuri.
Choisir la route du don de soi
Dans son homélie, le Pape François a fustigé l’égoïsme, la recherche du pouvoir et de la gloire. Commentant le récit de l’entrée de Jésus à Jérusalem sous les acclamations de la foule enthousiaste peu avant sa Passion, le Pape François a souligné que le Seigneur ne nous a pas sauvés par une entrée triomphale ni par le biais de miracles puissants. Il a vécu parmi nous une condition de serviteur ; il a été humilié, trahi, renié.
Comme les migrants aujourd’hui, il a connu aussi l’indifférence lorsque personne n’a voulu assumer la responsabilité de son destin. En pardonnant sur la croix, au faîte de l’anéantissement, Il a révélé le vrai visage de Dieu, qui est miséricorde. Et le Souverain Pontife a exhorté les fidèles à répondre à son amour infini par un peu d’amour concret. Il semble, a-t-il regretté, que nous sommes loin de la manière d’agir de Dieu, lorsque nous ne parvenons pas à nous oublier un peu nous-mêmes, à renoncer à quelque chose pour Lui et pour les autres, lorsque nous sommes attirés par les mille flatteries de l’apparence en oubliant que « l’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a » (Gaudium et spes, n. 35) .
Au début de la Semaine Sainte, le Pape François presse les chrétiens de choisir la route du service, du don, de l’oubli de soi, d’apprendre l’amour humble qui sauve et qui donne la vie. Par son humiliation, a-t-il dit, Jésus nous invite à purifier notre vie. Il désire entrer dans nos villes et dans nos vies, comme il est entré à Jérusalem, humblement mais « au nom du Seigneur ». Si le mystère du mal est abyssal, la réalité de l’Amour qui l’a transpercé est infinie. Que rien ne nous empêche de trouver en lui la source de notre joie, de la vraie joie, qui demeure et qui donne la paix.
La foule de Jérusalem criait, tout en fête, en accueillant Jésus : « Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (cf. Lc 19, 38). Nous avons fait nôtre cet enthousiasme : en agitant les palmes et les rameaux d’olivier, nous avons exprimé la louange et la joie, le désir de recevoir Jésus qui vient à nous. Oui, tout comme il est entré à Jérusalem, de la même manière il désire entrer dans nos villes et dans nos vies. Il vient humblement à nous, comme il le fait dans l’Évangile, monté simplement sur un âne, mais il vient « au nom du Seigneur » : avec la puissance de son amour divin il pardonne nos péchés et nous réconcilie, avec le Père et avec nous-mêmes.
Jésus est content de la manifestation populaire d’affection des gens, et lorsque les pharisiens invitent à faire taire les enfants et les autres personnes qui l’acclament, il répond – : « Si eux se taisent, les pierres crieront » (Lc 19, 40). Rien n’a pu arrêter l’enthousiasme provoqué par l’entrée de Jésus ; que rien ne nous empêche de trouver en lui la source de notre joie, de la vraie joie, qui demeure et qui donne la paix. Car seul Jésus nous sauve des liens du péché, de la mort, de la peur et de la tristesse.
Mais la liturgie de ce jour nous enseigne que le Seigneur ne nous a pas sauvés par une entrée triomphale ni par le moyen de puissants miracles. L’Apôtre Paul, dans la seconde Lecture, synthétise par deux verbes le parcours de la rédemption : « il s’est anéanti » et « il s’est abaissé » lui-même. (Ph 2, 7.8 ) Ces deux verbes nous disent jusqu’à quelle extrémité est arrivé l’amour de Dieu pour nous. Jésus s’est anéanti lui-même : il a renoncé à la gloire de Fils de Dieu et il est devenu Fils de l’homme pour être en tout solidaire avec nous, pécheurs, lui qui est sans péché. Et pas seulement : il a vécu parmi nous une « condition de serviteur » (v.7) ; non pas de roi, ni de prince, mais de serviteur. Il s’est donc abaissé, et l’abîme de son humiliation, que nous montre la Semaine Sainte, semble ne pas avoir de fond.
Le premier geste de cet amour « jusqu’au bout » (Jn 13, 1) est le lavement des pieds. « Le Seigneur et le Maître » (Jn 13, 14) s’abaisse aux pieds des disciples, comme seuls le font les serviteurs. Il nous a montré par l’exemple que nous avons besoin d’être rejoints par son amour qui se penche sur nous ; nous ne pouvons pas nous en passer, nous ne pouvons pas aimer sans nous faire d’abord aimer par lui, sans faire l’expérience de sa surprenante tendresse, et sans accepter que l’amour véritable consiste dans le service concret.
Mais c’est seulement le début. L’humiliation que subit Jésus devient extrême dans la Passion. Il est vendu pour trente deniers et trahi par le baiser d’un disciple qu’il avait choisi et appelé ami. Presque tous les autres fuient et l’abandonnent ; Pierre le renie trois fois dans la cour du temple. Humilié dans l’âme par des moqueries, des insultes et des crachats, il souffre dans son corps d’atroces violences : les coups, le fouet et la couronne d’épine rendent son aspect méconnaissable. Il subit aussi l’infamie et la condamnation inique des autorités, religieuse et politique : il est fait péché et reconnu injuste.
Ensuite, Pilate l’envoie à Hérode, et celui-ci le renvoie au gouverneur romain : alors que toute justice lui est refusée, Jésus éprouve aussi l’indifférence, parce que personne ne veut assumer la responsabilité de son destin. Et je pense à tant de gens, aux nombreux marginalisés, aux nombreux déplacés, aux nombreux réfugiés, à ceux dont beaucoup ne veulent pas assumer la responsabilité en ce qui concerne leur destin. La foule, qui l’avait acclamé peu de temps avant, change ses louanges en cri d’accusation, préférant même qu’un homicide soit libéré à sa place.
Il arrive ainsi à la mort de la croix, la plus douloureuse et infamante, réservée aux traitres, aux esclaves et aux pires criminels. La solitude, la diffamation et la douleur ne sont pas encore le sommet de son dépouillement. Pour être en tout solidaire avec nous, il fait aussi, sur la croix, l’expérience du mystérieux abandon du Père. Mais dans l’abandon, il prie et s’en remet : « Père, entre tes mains, je remets mon esprit » (Lc 23, 46).
Suspendu au gibet, en plus de la dérision, il affronte la dernière tentation : la provocation à descendre de la croix, à vaincre le mal par la force et à montrer le visage d’un Dieu puissant et invincible. Jésus, au contraire, précisément ici, au faîte de l’anéantissement, révèle le vrai visage de Dieu, qui est miséricorde. Il pardonne à ceux qui l’ont crucifié, il ouvre les portes du paradis au larron repenti et touche le cœur du centurion. Si le mystère du mal est abyssal, la réalité de l’Amour qui l’a transpercé est infinie, parvenant jusqu’au tombeau et aux enfers, assumant toute notre souffrance pour la racheter, portant la lumière aux ténèbres, la vie à la mort, l’amour à la haine.
La manière d’agir de Dieu peut nous sembler si lointaine ; lui, il s’est anéanti pour nous, alors que même nous oublier un peu nous-mêmes nous paraît difficile. Il vient nous sauver ; nous sommes appelés à choisir sa route : la route du service, du don, de l’oubli de soi. Puissions-nous emprunter cette route en nous arrêtant ces jours-ci pour regarder le Crucifié ; c’est la « Chaire de Dieu ». Je vous invite à regarder cette semaine cette « Chaire de Dieu », pour apprendre l’amour humble qui sauve et qui donne la vie, pour renoncer à l’égoïsme, à la recherche du pouvoir et de la renommée. Par son humiliation, Jésus nous invite à marcher sur sa route. Tournons le regard vers lui, demandons la grâce de comprendre au moins quelque chose de ce mystère de son anéantissement pour nous ; ainsi, en silence, contemplons le mystère de cette Semaine.