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Le Pape à la Synagogue: la violence humaine va à l'encontre de toute religion
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Admin Admin
Messages : 5949 Date d'inscription : 17/03/2013
Sujet: Le Pape à la Synagogue: la violence humaine va à l'encontre de toute religion Dim 17 Jan 2016 - 20:13
Dimanche 17 Janvier 2016
Le Pape à la Synagogue: la violence humaine va à l'encontre de toute religion
Des catacombes fouillées et des poubelles scellées. Quelque 800 policiers, soldats et carabiniers étaient chargés d'assurer la sécurité de la visite du Pape à la synagogue de Rome. François s’est rendu pour la première fois, dimanche 17 janvier 2016, au «Tempio maggiore», la grande synagogue de la capitale italienne, située dans le quartier du ghetto, au bord du Tibre. Il est le troisième Souverain Pontife à s'y être rendu après Jean-Paul II en 1986 et Benoît XVI en 2010. 1500 personnes ont été invitées à cet événement, suivi par 300 journalistes accrédités.
Accueilli et accompagné par la présidente de la communauté juive de Rome, Ruth Dureghello, et par le président de la communauté juive d’Italie, Renzo Gattegna, le Pape s’est arrêté devant deux plaques commémoratives: l'une rappelant la grande rafle d'octobre 1943, dans laquelle 1024 juifs avaient été déportés à Auschwitz. L'autre un attentat palestinien qui avait blessé 37 juifs romains en 1982 et causé la mort de Stefano Gay Taché, un enfant de deux ans, dont le Pape a rencontré la famille dimanche.
À l’entrée de la synagogue, le Grand rabbin de Rome, Riccardo Di Segni, a ensuite chaleureusement invité le Pape à entrer. Il a été applaudi et accueilli par des «shalom», «vive notre Pape» et des youyous Un chœur a interprété plusieurs psaumes. François a alors rencontré plusieurs survivants des camps d’extermination nazis. Il a pris le temps de saluer chacun. «Toda», merci en hébreu, l’a-ton entendu répondre parfois, souriant.
À la tribune, les présidents de la communauté juive d’Italie et de Rome se sont adressés au Pape, suivis du Grand rabbin de Rome. Puis François a pris la parole devant les membres de sa délégation composée notamment des cardinaux Koch et Kasper, le président et président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l’Unité des chrétiens, ainsi que devant des rabbins venant de plusieurs pays d'Europe et de Terre sainte.
«Nos relations me tiennent vraiment à cœur», a commencé le Pape qui a évoqué ses visites fréquentes en diverses synagogues du temps où il était évêque de Buenos Aires. Les précisions de Marie Duhamel
Les juifs sont «nos frères ainés dans la foi». Trente ans après Jean-Paul II qui effectuait la première visite d’un pape dans la synagogue de Rome, François a souscrit à la «belle expression» de son prédécesseur. «Nous appartenons tous à une unique famille humaine», celle de Dieu. Ensemble, juifs et catholiques qui ont «des liens si particuliers», «inséparables», «en raison des racines juives du christianisme doivent se sentir frères, unis par le même Dieu, dotés d’un riche patrimoine spirituel commun». 50 ans après la déclaration de Nostra aetate, qui a rendu possible un dialogue systématique entre l’Église catholique et l’Hébraïsme, le Pape a rendu à nouveau grâce à Dieu, car «l’indifférence et l’opposition se sont muées en collaboration et bienveillance. D’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères». 50 ans plus tard, le Pape a réaffirmé les racines juives du christianisme et sa condamnation de toute forme d’antisémitisme.
Des questions théologiques sont encore à «résoudre» et le Pape a encouragé ceux qui avec «persévérance et discernement» mèneront «d’ultérieures et nécessaires réflexions». «La dimension théologique du dialogue hébréo-catholique mérite d’être toujours plus approfondie». «Prions Dieu ensemble pour qu’il conduise notre chemin vers un futur bon, meilleur». Aujourd’hui, juifs et catholiques sont appelés à assumer «leur responsabilité commune» pour résoudre les problèmes de Rome et affronter ensemble les défis du monde.
«Une écologie intégrale est désormais prioritaire» : juifs et catholiques doivent offrir au monde le message de la Bible concernant la protection de la Création. Guerres, violences et injustices blessent profondément l’humanité et «nous appelle à redoubler d’efforts en vue de la paix et de la justice». «La violence de l’homme sur l’homme est une contradiction avec toute religion digne de ce nom […] La vie est sacrée, en tant que don de Dieu», «un Dieu de la vie» qui la promeut et la défend. Créé à son image, l’homme est tenu de faire de même.
«Chaque être humain est notre frère, indépendamment de son origine ou de sa confession». Le Pape plaide pour la bienveillance et rappelle que «ni la violence ni la mort n’auront le dernier mot face à Dieu». Rendant hommage aux six millions de victimes de la Shoah, «une inhumaine barbarie», et de la rafle de 1943 à Rome, le Pape souligne que le passé doit nous servir de leçon pour le présent et le futur. «La Shoah nous enseigne qu’il faut toujours rester extrêmement vigilant pour pouvoir intervenir immédiatement pour défendre la dignité humaine et la paix».
«Nous devons prier Dieu avec insistance afin qu’il nous aide en Europe, en Terre sainte, au Moyen-Orient en Afrique et dans toutes les autres parties du monde à mettre en pratique une logique de la paix, de la réconciliation, du pardon et de la vie».
Quand à la fin de son discours, le Pape a exprimé sa proximité aux survivants de la Shoah présents dans la synagogue, toutes les personnes présentes lors de cette rencontre se sont levées en standing ovation pour applaudir le Pontife.
Je suis heureux de me trouver avec vous aujourd’hui dans cette Grande synagogue. Je remercie de leurs paroles courtoises le Dr Di Segni, Mme Dureghello et l’Avocat Gattegna, et je vous remercie tous de votre accueil chaleureux. Toda rabba, merci!
Lors de cette première visite que je fais dans cette synagogue en tant qu’évêque de Rome, je désire vous exprimer, en l’étendant à toutes les communautés juives, le salut fraternel de paix de cette Eglise et de toute l’Eglise catholique.
Nos relations me tiennent beaucoup à cœur. A Buenos Aires déjà, j’avais l’habitude de me rendre dans les synagogues pour y rencontrer les communautés qui s’y réunissent, suivre de près les fêtes et les commémorations juives et rendre grâce au Seigneur qui nous donne la vie et qui nous accompagne sur le chemin de l’histoire.
Au cours du temps, un lien spirituel s’est créé, qui a favorisé la naissance d’authentiques relations d’amitié et qui ont aussi inspiré un engagement commun.
Dans le dialogue interreligieux, il est fondamental que nous nous rencontrions comme des frères et sœurs devant notre Créateur et que nous lui rendions louange, que nous nous respections, et que nous nous apprécions mutuellement et que nous cherchions à collaborer. Et dans le dialogue judéo-chrétien, il y a un lien unique et particulier, en vertu des racines juives du christianisme : juifs et chrétiens doivent donc se sentir frères, unis par le même Dieu et par un riche patrimoine spirituel commun (cf. Déclaration Nostra aetate, 4), sur lequel se fonder pour continuer à construire l’avenir.
Par ma visite, je suis les pas de mes prédécesseurs. Le pape Jean-Paul II est venu ici il y a trente ans, le 13 avril 1986. Et le pape Benoît XVI a été parmi vous il y a déjà six ans. A cette occasion, Jean-Paul II a forgé cette expression de « frères aînés » et en effet vous êtes nos frères et nos sœurs aînés dans la foi. Nous appartenons tous à une unique famille, la famille de Dieu, qui nous accompagne et qui nous protège comme son peuple. Ensemble, en tant que juifs et en tant que catholiques, nous sommes appelés à assumer nos responsabilités pour cette ville, en apportant notre contribution, avant tout spirituelle, et en favorisant la résolution des différents problèmes actuels. Je souhaite que grandisse toujours plus la proximité, la connaissance réciproque, et l’estime entre nos deux communautés de foi.
C’est pourquoi il est significatif que je sois venu parmi vous aujourd’hui, le 17 janvier, alors que la Conférence épiscopale italienne célèbre la Journée du dialogue entre catholiques et juifs.
Nous venons de commémorer le 50e anniversaire de la Déclaration du concile Vatican II, Nostra ætate, qui a rendu possible le dialogue systématique entre l’Eglise catholique et le judaïsme. Le 28 octobre dernier, place Saint-Pierre, j’ai pu saluer aussi de nombreux représentants juifs et je me suis exprimé ainsi : « Dieu mérite une gratitude particulière pour la véritable transformation qu’a subie, au cours de ces 50 années, la relation entre les chrétiens et les juifs. L’indifférence et l’opposition se sont transformées en collaboration et bienveillance. D’ennemis et étrangers, nous sommes devenus amis et frères. Le Concile, avec la déclaration Nostra ætate, a tracé la route : « oui » à la redécouverte des racines juives du christianisme ; « non » à toute forme d’antisémitisme et condamnation de toute injure, discrimination et persécution qui en découlent. »
Nostra ætate a défini théologiquement pour la première fois, de façon explicite, les relations de l’Eglise catholique avec le judaïsme. Elle n’a naturellement pas résolu toutes les questions théologiques qui nous concernent mais elle y a fait référence de façon encourageante, en fournissant un stimulant très important pour des réflexions ultérieures nécessaires.
A ce propos, le 10 décembre 2015, la Commission pour les relations religieuses avec le judaïsme a publié un nouveau document qui affronte les questions théologiques qui ont émergé ces dernières décennies, depuis la promulgation de Nostra ætate. En effet, la dimension théologique du dialogue judéo-chrétien mérite d’être toujours plus approfondie, et je désire encourager tous ceux qui sont engagés dans ce dialogue, à continuer dans ce sens avec discernement et persévérance.
Justement, d’un point de vue théologique, le lien indissoluble qui unit chrétiens et juifs apparaît clairement. Les chrétiens, pour se comprendre eux-mêmes, ne peuvent pas ne pas se référer à leurs racines juives, et l’Eglise, tout en professant le salut par la foi dans le Christ, reconnaît le caractère irrévocable de l’Ancienne Alliance, et l’amour constant et fidèle de Dieu pour Israël.
Avec les questions théologiques, nous ne devons pas perdre de vue les grands défis que le monde d’aujourd’hui doit affronter.
Celui d’une écologie intégrale est désormais prioritaire, et, en tant que chrétiens et juifs, nous pouvons et nous devons offrir à l’humanité tout entière le message de la Bible sur la protection de la Création.
Conflits, guerres, violences et injustices ouvrent des blessures profondes dans l’humanité, et nous appellent à renforcer l’engagement pour la paix et pour la justice. La violence de l’homme contre l’homme est en contradiction avec toute religion digne de ce nom, et en particulier les trois grandes religions monothéistes.
La vie est sacrée, en tant que don de Dieu. Le cinquième commandement du Décalogue dit : « Tu ne tueras pas » (Ex 20, 13). Dieu est le Dieu de la vie, et il veut toujours la promouvoir et la défendre. Et nous, créés à son image et à sa ressemblance, nous sommes tenus de faire de même. Tout être humain, en tant que créature de Dieu, est notre frère, indépendamment de son origine ou de son appartenance religieuse. Toute personne doit être regardée avec bienveillance, comme Dieu le fait, lui qui tend à tous sa main miséricordieuse, indépendamment de leur foi et de leur provenance, et qui prend soin de ceux qui ont le plus besoin de Lui : les pauvres, les malades, les marginaux, les sans-défense. Là où la vie est en danger, nous sommes encore plus appelés à la protéger. Ni la violence ni la mort n’auront le dernier mot devant Dieu, qui est le Dieu de l’amour et de la vie.
Nous devons le prier avec insistance afin qu’il nous aide à mettre en pratique en Europe, en Terre sainte, au Moyen Orient, en Afrique et dans tout autre partie du monde, la logique de la paix, de la réconciliation, du pardon et de la vie.
Au cours de son histoire, le peuple juif a dû faire l’expérience de la violence et de la persécution, jusqu’à l’extermination des juifs européens durant la Shoah. Pour la seule raison de leur appartenance au peuple juif, six millions de personnes ont été victimes de la barbarie la plus inhumaine, perpétrée au nom d’une idéologie qui voulait remplacer Dieu par l’homme.
Le 16 octobre 1943, plus de mille hommes, femmes et enfants de la communauté juive de Rome ont été déportés à Auschwitz. Aujourd’hui, je désire me souvenir d’eux de façon spéciale : leurs souffrances, leurs angoisses, leurs larmes ne doivent jamais être oubliées. Et le passé doit nous servir de leçon pour le présent et pour l’avenir. La Shoah nous enseigne qu’il faut toujours la plus grande vigilance pour pouvoir intervenir rapidement pour défendre la dignité humaine et la paix.
Je voudrais exprimer ma proximité à chaque témoin de la Shoah encore vivant. Et je salue particulièrement ceux qui sont présents ici aujourd’hui. Chers frères aînés, nous devons vraiment être reconnaissants pour tout ce qu’il a été possible de réaliser ces cinquante dernières années, parce qu’entre nous ont grandi et se sont approfondies la compréhension réciproque, la confiance mutuelle et l’amitié. Prions ensemble le Seigneur afin qu’il conduise notre chemin vers un avenir bon, meilleur. Dieu a pour nous des projets de salut, comme le dit le prophète Jérémie :« Je connais mes projets pour vous – oracle du Seigneur – des projets de paix et non de malheur, pour vous accorder un avenir plein d’espérance » (Jérémie 29, 11).
Que le Seigneur nous bénisse et nous protège. Qu’il fasse briller sur nous son visage et nous donne sa grâce. Qu’il tourne vers nous son visage et nous accorde la paix (cf. Nombres 6,24-26). Shalom alechem !