« La solution aux problèmes concrets ne vient pas de l’argent mais de la fraternité », déclare le pape François.
Le pape a en effet adressé un message vidéo aux participants du Ve festival de la doctrine sociale de l’Église, sur « le défi de la réalité ».
Message du pape François :
Chers amis,
Mes plus chaleureuses salutations à vous tous qui participez au Ve festival de la doctrine sociale de l’Église. Je sais que cette année vous avez choisi pour thème « le défi de la réalité », en rapport avec ce que j’ai écrit dans l’exhortation apostolique Evangelii gaudium : « Il existe aussi une tension bipolaire entre l’idée et la réalité. La réalité est, tout simplement ; l’idée s’élabore. Entre les deux il faut instaurer un dialogue permanent, en évitant que l’idée finisse par être séparée de la réalité. Il est dangereux de vivre dans le règne de la seule parole, de l’image, du sophisme » (n. 231). Pour parer au danger de vivre en dehors de la réalité, il faut ouvrir les yeux et le cœur.
Notre vie est faite de tant de choses, d’un flot de nouvelles, de tant de problèmes : tout cela nous pousse à ne pas voir, à ne pas nous rendre compte des problèmes des personnes qui sont près de nous. L’indifférence semblerait le remède pour ne pas nous impliquer, et devient une façon de vivre plus tranquillement. Voilà ce qu’est l’indifférence.
Mais cette manière de nous extraire est une façon qui défend l’égoïsme et nous rend triste. Etre proche des personnes, verser l’huile de la consolation, toucher la chair de l’autre, prendre en charge ses problèmes élargit le cœur, remet en circulation l’amour et fait que l’on se sent bien. Cette manière concrète d’agir, cette proximité, est le chemin indiqué par Jésus quand il dit : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire… » (cf. Mt 25,31-46). S’incliner – c’est le bon mot : s’incliner – sur l’autre est la façon la plus directe pour élargir le cœur, allumer l’amour, trouver l’inspiration, inventer des réponses concrètes et inédites aux problèmes.
Le défi de la réalité demande aussi une capacité de dialogue, de construire des ponts à la place des murs. L’heure est au dialogue, pas à la rigidité face à l’autre pour se défendre. Je vous invite à affronter « le défi de découvrir et transmettre la « mystique » de vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, de se prendre dans les bras, de se soutenir, de participer à cette marée un peu chaotique qui peut se transformer en une véritable expérience de fraternité, en une caravane solidaire, en un saint pèlerinage » (Evangelii gaudium, 87). Le dialogue ouvre aux autres et recompose tous les segments de notre société créant les conditions pour un dessin harmonieux.
Mais le défi de la réalité demande un changement. Tout le monde sent ce besoin de changement, parce qu’on sent qu’il y a quelque chose qui ne va pas. La surconsommation, l’idolâtrie de l’argent, les trop grandes inégalités et injustices, l’homologation à une pensée dominante sont un poids dont nous voulons nous libérer, pour retrouver notre dignité et nous mettre à partager, sachant que la solution aux problèmes concrets ne vient pas de l’argent mais de la fraternité, qui veut dire s’occuper de son prochain.
Le vrai changement part avant tout de nous-mêmes et il est le fruit de l’Esprit Saint. Les personnes changées intérieurement par l’Esprit Saint conduisent aussi à un changement social. Le changement est demandé aussi à nos structures : il vaut mieux être flexibles pour pouvoir mieux répondre aux besoins concrets, plutôt que de défendre les structures et rester figés. Faire un peu de nettoyage, augmenter la transparence, redonner un peu de fraîcheur, un peu de simplicité et d’agilité fait du bien aux structures et aux personnes : nous trouverons à nouveau l’élan et l’enthousiasme de faire quelque chose de beau au service de nos frères. Aux nouveaux besoins et aux nouvelles pauvretés il faut de nouvelles réponses. En vivant la proximité nous trouverons aussi l’inspiration et la force de donner une forme concrète au changement que tout le monde souhaite.
Dernière remarque, sur le défi écologique. Celui-ci demande d’écouter le cri de Dame Nature : le respect des créatures et de la création représente un grand défi pour l’avenir de l’homme. L’homme et la création sont indissolublement liés : « Aujourd’hui, nous ne pouvons pas nous empêcher de reconnaître qu’une vraie approche écologique se transforme toujours en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres » (Enc. Laudato si’, 49).
La sauvegarde de la terre, autrement dit de la maison commune, est un thème très vaste; certaines personnes pourraient penser que ce que nous pouvons faire, nous, n’a pas d’effets concrets, n’est pas suffisant pour provoquer un changement. Cette question intéresse certainement la politique, l’économie, les choix stratégiques sur le développement, mais rien ne peut remplacer notre engagement personnel. La sobriété, une consommation consciente, un style de vie qui accueille la création comme un don et exclut les formes agressives et celles du bien exclusif, est la manière concrète pour créer une nouvelle sensibilité. Si nous sommes nombreux à vivre de cette façon, toute la société s’en ressentira positivement et tout le monde saura entendre le cri de la terre et le cri des pauvres.
Chers amis, regardons devant nous avec courage ! Les défis sont nombreux, à nous de les transformer avec joie en opportunités.
Encore une fois, mes plus chaleureuses salutations à tous les participants du Ve festival de la doctrine sociale de l’Église et en particulier aux nombreux bénévoles qui offrent gratuitement leur disponibilité. Mes salutations également à l’évêque de Vérone qui accueille cette manifestation, et un merci au père Vincenzi pour ses services favorisant la diffusion, la connaissance, l’expérimentation de la doctrine sociale de l’Église. Merci !