« Je vous dirais trois mots qui peuvent vous servir : adorer, cheminer et accompagner », dit le pape François aux religieux Clarétains – Fils du Cœur Immaculé de Marie –, qui tiennent leur nom de leur fondateur, saint Antoine-Marie Claret (23 décembre 1807-24 octobre 1870), évêque espagnol, missionnaire et archevêque de Santiago de Cuba.
Le pape François a reçu en audience, le 11 septembre, les participants au Chapitre général des Missionnaires clarétains, sur le thème : « Témoins et messagers de la joie de l’Évangile ».
Le pape encourage notamment les religieux à aller « à la frontière » : « Les frontières de toutes sortes, y compris celle de la pensée ».
Au cours de la rencontre, le pape a remis le discours préparé par écrit, en y ajoutant librement d’autres paroles d’abondance du cœur, et dont voici notre traduction intégrale.
Allocution du pape François :
Bonjour et merci beaucoup !
J’ai préparé un discours en espagnol, que Mgr Gänswein vous remettra. Mais je préfère dire ce qui me vient, vu que c’est en espagnol.
J’ai eu une mauvaise pensée pendant que le Général parlait : il a dit que, quand il a lu Evangelii gaudium, il a éprouvé beaucoup de bonheur, je l’ai imaginé dans la librairie de Buenos Aires, en train de méditer tous les livres…
On rencontre les Clarétains partout. Et je dois reconnaître que, que ce soit dans le domaine de la théologie – l’ancien Général, théologien de la vie religieuse, de droit canonique : vraiment parmi les meilleurs canonistes que nous ayons à Rome, il y a vous. Un travail silencieux, saint… qui a passé toute sa vie dans la Congrégation religieuse : il a donné un exemple de vie, dans la vie missionnaire.
Je voudrais vous dire trois mots, en pensant à ceux que je connais… Dieu m’a béni en me permettant d’avoir pour amis certains d’entre vous.
Je vous dirais trois mots qui peuvent vous servir : adorer, cheminer et accompagner.
Adorer
Nous, dans le monde de l’efficacité, nous avons perdu le sens de l’adoration, même dans la prière. Certes, nous prions, nous louons le Seigneur, nous demandons, nous remercions… Mais l’adoration consiste à être devant le Dieu unique, celui qui est l’Unique qui n’a pas de prix, qu’on ne négocie pas, qu’on ne change pas… Et tout ce qui est en dehors de lui est une « imitation en carton », une idole… Adorer. Sur ce plan, il faut faire un effort pour grandir dans cette manière de prier : l’adoration. Adorez, adorez Dieu. C’est une carence de l’Église en ce moment, par manque de pédagogie. Ce sentiment d’adoration, que nous avons dans le premier commandement de la Bible – Adore le Dieu unique. Tu n’auras pas d’autre Dieu. C’est l’Unique que tu devras adorer… Cette « perte de temps », sans demander, sans remercier, et même sans louer, adorer seulement, l’âme prosternée. Je ne sais pas pourquoi j’ai envie de vous dire cela mais je sens que je dois vous le dire. Cela me vient de l’intérieur.
Marcher
Dieu ne peut pas s’adorer lui-même mais Dieu a voulu marcher. Il n’a pas voulu rester tranquille. Dès le début, il a marché avec son peuple. Le passage de Moïse est si beau, vous vous souvenez ? « Réfléchissez : quel peuple a eu un Dieu si proche qu’il marchait avec vous ? » Marcher. Et marcher, c’est ouvrir des frontières, sortir, ouvrir des portes et chercher des routes. Marcher… Ne pas rester assis ; ne pas s’installer, dans le mauvais sens du terme. C’est vrai, il faut organiser des choses, il y a des travaux qui exigent que l’on reste tranquille, mais avec son âme ; et avec son cœur et sa tête, marcher et chercher.
Aller à la frontière : les frontières de toutes sortes, y compris celle de la pensée. Vous qui êtes intellectuels, aller aux frontières, ouvrir des chemins, chercher. Donc, pas tranquilles, parce que celui qui reste tranquille et ne bouge pas croupit : comme l’eau, l’eau stagnante croupit, tandis que l’eau du fleuve qui coule ne croupit pas. Marcher comme Dieu a marché, lui qui s’est fait compagnon de voyage. On ne peut pas oublier comment, dans la Bible, le Seigneur a accompagné son peuple, y compris en prenant sur lui les péchés, en pardonnant, en accompagnant… Marcher. Marcher avec ce désir d’arriver un jour à le contempler et non – comme c’est malheureusement fréquent – les gens qui viennent dans un institut pour assurer leur vie ou avoir la tranquillité, pour que rien ne leur manque… Marcher, marcher.
Et le troisième, accompagner
Par conséquent, ne pas marcher seul, c’est ennuyeux en plus… Accompagner le peuple : Dieu a marché en accompagnant. C’est tellement beau de se rappeler quand Jésus a fait semblant d’être ignorant, il a « fait l’innocent » avec ceux qui s’enfuyaient de Jérusalem à Emmaüs : il s’est mis là, il les a accompagnés, il les a accompagnés pendant tout un processus…
Accompagner les moments de joie, accompagner le bonheur des couples, des familles ; les accompagner dans les moments durs, dans les moments de croix, dans les moments de péché… Jésus n’avait pas peur des pécheurs : il les cherchait. On l’a critiqué : « Celui-ci, il est trop en avant ; il est imprudent… » Accompagner. Accompagner les gens, accompagner tous les désirs que le Seigneur sème dans le cœur et bien les laisser grandir.
C’est ce que j’ai eu envie de vous dire. Adorer, marcher et accompagner. Si cela vous sert, en avant ! Je vous le laisse entre les mains…
Comme Marie est la Mère qui prend soin de vous, je vous invite à réciter ensemble le « Je vous salue Marie ».