« L’Albanie a été le premier pays européen où j’ai choisi de me rendre pour encourager le parcours de coexistence pacifique après les tragiques persécutions subies par les croyants albanais, au siècle passé », explique le pape François.
Le pape a adressé un message aux participants du rassemblement de Tirana (Albanie) organisé par la Communauté de Sant’Egidio (6-8 septembre), dans le cadre des rassemblements des religions pour la paix, dans « l’Esprit d’Assise », depuis 1986. Le message est publié en français sur le site en ligne de la rencontre.
En même temps, le pape souligne le paradoxe : « Il n’y a pas d’autre pays au monde où la décision d’exclure Dieu de la vie d’un peuple n’ait été si radicale. »
Le pape salue le choix de Tirana et il rappelle ce qu’il a dit là-bas : « C’est pourquoi, chers amis, je vous suis particulièrement reconnaissant d’avoir choisi l’Albanie. Aujourd’hui, je tiens à répéter ce que j’ai affirmé l’année dernière : « La coexistence pacifique et fructueuse entre personnes et communautés appartenant à des religions différentes est, non seulement souhaitable, mais concrètement possible et réalisable » (Discours aux Autorités, 21 septembre 2014).
« C’est cela, insiste le pape, l’Esprit d’Assise : vivre ensemble dans la paix, conscients que la paix et la cohabitation ont un fondement religieux. La prière est toujours à la racine de la paix ! »
Message du pape François :
Illustres représentants des Églises et des Communautés chrétiennes et représentants des grandes religions du monde,
A vous tous, j’adresse mes salutations et ma communion spirituelle à la Rencontre internationale pour la paix dont la Communauté de Sant’Egidio est promotrice à Tirana. Ces rendez-vous se succèdent sur les pas tracés par saint Jean-Paul II lors de la première Rencontre historique d’Assise en octobre 1986. Depuis, un pèlerinage d’hommes et de femmes de religions différentes s’est mis en route, faisant halte chaque année dans une ville du monde.
Alors que le cours de l’histoire subit des mutations et que les peuples font face à des transformations profondes et parfois dramatiques, il est de plus en plus impératif que les croyants des différentes religions se rencontrent, dialoguent, fassent route ensemble et œuvrent pour la paix dans « l’Esprit d’Assise » qui prend sa source dans le témoignage lumineux de saint François.
Cette année, vous avez choisi de faire halte à Tirana, capitale d’un pays devenu symbole de la coexistence pacifique entre les religions, après une longue histoire de souffrance. C’est un choix que je partage comme je l’ai manifesté lors de ma visite à Tirana en septembre de l’an passé. L’Albanie a été le premier pays européen où j’ai choisi de me rendre pour encourager le parcours de coexistence pacifique après les tragiques persécutions subies par les croyants albanais, au siècle passé. La longue liste des martyrs parle encore aujourd’hui de cette période sombre, mais elle parle aussi de la force de la foi qui n’a pas cédé à la puissance du mal. Il n’y a pas d’autre pays au monde où la décision d’exclure Dieu de la vie d’un peuple n’ait été si radicale : il suffisait d’un simple signe religieux pour être puni par la prison, voire même par la mort. Cette triste prérogative a marqué profondément le peuple albanais, jusqu’au jour où il a retrouvé sa liberté, quand les membres des différentes communautés religieuses, éprouvées par les souffrances endurées, ont recommencé à vivre ensemble dans la paix.
C’est pourquoi, chers amis, je vous suis particulièrement reconnaissant d’avoir choisi l’Albanie. Aujourd’hui, je tiens à répéter ce que j’ai affirmé l’année dernière : « La coexistence pacifique et fructueuse entre personnes et communautés appartenant à des religions différentes est, non seulement souhaitable, mais concrètement possible et réalisable » (Discours aux Autorités, 21 septembre 2014). C’est cela l’Esprit d’Assise : vivre ensemble dans la paix, conscients que la paix et la cohabitation ont un fondement religieux. La prière est toujours à la racine de la paix !
Et puisqu’elle a son fondement en Dieu, « la paix est toujours possible », comme l’affirme le titre de votre rencontre cette année. Il faut réaffirmer cette vérité, surtout de nos jours, alors que dans plusieurs parties du monde, semblent dominer les violences, les persécutions, les atteintes à la liberté religieuse, ainsi que la résignation devant les conflits qui n’en finissent plus. Il ne faut jamais nous résigner à la guerre ! Ni rester indifférents devant ceux qui souffrent à cause de la guerre et de la violence. C’est pourquoi j’ai choisi comme thème de la prochaine Journée mondiale de la paix : « Réagis à l’indifférence et remporte la paix ! »
Mais élever des murs et des barrières pour arrêter ceux qui cherchent un lieu de paix, c’est également de la violence. Repousser ceux qui fuient des conditions de vie inhumaines dans l’espoir d’un futur meilleur, c’est aussi de la violence. Rejeter des enfants et des personnes âgées hors de la société et les exclure de la vie, c’est de la violence ! Creuser le fossé qui sépare celui qui gaspille des biens superflus et celui qui manque du nécessaire, c’est de la violence !
Dans notre monde, la foi en Dieu nous porte à croire et à crier d’une voix forte que la paix est possible. En tant que croyants, nous sommes appelés à redécouvrir la vocation universelle à la paix insufflée au cœur de nos traditions religieuses, et à la proposer avec audace aux hommes et aux femmes de notre époque. Et je répète ce que j’ai dit à ce propos, à Tirana, en m’adressant aux leaders religieux : « La religion authentique est source de paix et non de violence ! Personne ne peut utiliser le nom de Dieu pour commettre de la violence ! Tuer au nom de Dieu est un grand sacrilège ! Discriminer au nom de Dieu est inhumain » (Discours aux Responsables des diverses Confessions religieuses).
Chers amis, dire que la paix est toujours possible n’est pas une affirmation naïve, cela exprime plutôt notre foi : rien n’est impossible à Dieu. Certes, cela exige un engagement personnel et un engagement de la part de nos communautés pour le grand travail de la paix. Qu’une nouvelle prophétie de paix jaillisse de la terre d’Albanie, terre de martyrs ! Je m’unis à vous tous afin que, dans la diversité de nos traditions religieuses, nous puissions continuer à vivre la passion commune pour bâtir la coexistence pacifique entre tous les peuples de la terre.
Du Vatican, le 29 août 2015
Mémoire du Martyre de Saint Jean Baptiste