Le pape François a présidé la célébration eucharistique pour les fidèles du diocèse de Turin à 10h30, Place Vittorio Veneto.
À son arrivée, le pape a salué individuellement les prêtres et les évêques qui concélébraient avec lui.
À la fin de la messe, l’archevêque de Turin, Mgr Cesare Nosiglia, a adressé au pape des paroles de salutation et il lui a remis les offrandes des pèlerins venus pendant l’ostension du Saint-Suaire, pour une œuvre de charité du pape.
Homélie du pape François :
Dans la prière de la collecte, nous avons prié ainsi ; « Donne à ton peuple, o Père, de vivre toujours dans la vénération et dans l’amour de ton saint nom, puisque tu ne prives jamais de ta grâce ceux que tu as établis sur le roc de ton amour ». Et les lectures que nous avons entendues nous montrent comment est cet amour de Dieu pour nous : c’est un amour fidèle, un amour qui recrée tout, un amour stable et sûr.
Le psaume nous a invités à remercier le Seigneur parce que « éternel est son amour ». Voilà l’amour fidèle, la fidélité : c’est un amour qui ne déçoit pas, qui ne diminue jamais. Jésus incarne cet amour, il en est le témoin. Il ne se lasse jamais de nous aimer, de nous supporter, de nous pardonner, et il nous accompagne ainsi sur le chemin de la vie, selon la promesse qu’il a faite à ses disciples : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20). Par amour il s’est fait homme, par amour il est mort et ressuscité, et par amour il est toujours à nos côtés, dans les moments beaux et dans ceux qui sont difficiles. Jésus nous aime toujours, jusqu’au bout, sans limites et sans mesure. Et il nous aime tous, au point que chacun de nous peut dire : « Il a donné sa vie pour moi ». Pour moi ! La fidélité de Jésus ne se rend même pas devant notre infidélité. Saint Paul nous le rappelle : « Si nous manquons de foi, lui reste fidèle à sa parole, car il ne peut se rejeter lui-même » (2 Tm 2,13). Jésus demeure fidèle, même quand nous nous sommes trompés, et il nous attend pour nous pardonner : il est le visage du Père miséricordieux. Voilà l’amour fidèle.
Le second aspect : l’amour de Dieu re-crée tout, c’est-à-dire qu’il fait toute chose nouvelle, comme nous l’a rappelé la seconde lecture. Reconnaître nos limites, nos faiblesses, est la porte qui ouvre au pardon de Jésus, à son amour qui peut nous renouveler profondément, qui peut nous re-créer. Le salut peut entrer dans notre cœur quand nous nous ouvrons à la vérité et que nous reconnaissons nos erreurs, nos péchés ; alors, nous faisons l’expérience, cette belle expérience de Celui qui est venu non pas pour ceux qui sont sains, mais pour les malades, non pour les justes, mais pour les pécheurs (cf. Mt 9,12-13) ; nous faisons l’expérience de sa patience – il en a tellement ! – de sa tendresse, de sa volonté de nous sauver tous. Et quel est le signe ? Le signe que nous sommes devenus « nouveaux » et que nous avons été transformés par l’amour de Dieu est de savoir se dépouiller des vêtements usés et vieux des rancoeurs et des inimitiés pour revêtir la tunique propre de la douceur, de la bienveillance, du service des autres, de la paix du cœur, qui est le propre aux enfants de Dieu. L’esprit du monde est toujours à la recherche de nouveautés, mais seule la fidélité de Jésus est capable de la vraie nouveauté, de faire de nous des hommes nouveaux et de nous re-créer.
Enfin, l’amour de Dieu est stable et sûr, comme les bancs rocheux qui protègent de la violence des vagues. Jésus le manifeste dans le miracle dont le récit est donné par l’Évangile quand il apaise la tempête, en commandant au vent et au lac (cf. Mc 4,41). Les disciples ont peur parce qu’ils se rendent compte qu’ils ne peuvent pas s’en sortir, mais il ouvre leur cœur au courage de la foi. Devant l’homme qui crie « Nous n’y arrivons pas », le Seigneur va à sa rencontre, lui offre le roc de son amour, auquel chacun peut s’accrocher, sûr de ne pas tomber. Combien de fois sentons-nous que nous ne pouvons pas nous en sortir ! Mais il est à côté de nous, la main tendue et le cœur ouvert.
Chers frères et sœurs de Turin et du Piémont, nos ancêtres savaient bien ce que veut dire être un « roc », ce que veut dire « solidité ». Un de nos poètes, bien connu, en donne un beau témoignage :
« Droits et sincères, tels qu’ils sont, ils apparaissent :
tête carrée, poigne ferme et foie sain,
ils parlent peu mais savent ce qu’ils disent,
même s’ils marchent lentement, ils vont loin.
Peuple qui ne ménage ni son temps ni sa sueur
– race qui est la nôtre, libre et têtue –
Tout le monde sait qui ils sont…
Et quand ils passent, tout le monde les regarde ».
Nous pouvons nous demander si, aujourd’hui, nous sommes fermes sur ce rocher qu’est l’amour de Dieu. Comment nous vivons l’amour fidèle de Dieu envers nous. Le risque existe toujours d’oublier ce grand amour que le Seigneur nous a montré. Nous aussi, chrétiens, nous courons le risque de nous laisser paralyser par les peurs de l’avenir et de chercher des sécurités dans les choses qui passent, ou dans un modèle de société fermée qui a tendance à exclure davantage qu’à inclure. Sur cette terre ont grandi beaucoup de saints et de bienheureux qui ont accueilli l’amour de Dieu et l’ont répandu dans le monde, des saints libres et têtus. Dans les pas de ces témoins, nous pouvons aussi vivre la joie de l’Évangile en pratiquant la miséricorde ; nous pouvons partager les difficultés de toutes ces personnes, ces familles, en particulier celles qui sont plus fragiles et marquées par la crise économique. Les familles ont besoin de sentir la caresse maternelle de l’Église pour avancer dans la vie conjugale, dans l’éducation des enfants, dans leurs soins à l’égard des personnes âgées ainsi que dans la transmission de la foi aux jeunes générations.
Croyons-nous que le Seigneur est fidèle ? Comment vivons-nous la nouveauté de Dieu qui nous transforme tous les jours ? Comment vivons-nous l’amour solide du Seigneur, qui se pose comme une barrière de sécurité contre les vagues de l’orgueil et des fausses nouveautés ? Que l’Esprit-Saint nous aide à être toujours conscients de cet amour « rocheux » qui nous rend stables et fort dans les souffrances petites et grandes, qui nous rend capables de ne pas nous fermer face aux difficultés, d’affronter la vie courageusement et de regarder l’avenir avec espérance. Comme alors, sur le lac de Galilée, aujourd’hui encore ; sur la mer de notre existence, Jésus est celui qui est vainqueur des forces du mal et des menaces du désespoir. La paix qu’il nous donne est pour tous ; et aussi pour tous ces frères et sœurs qui fuient les guerres et les persécutions à la recherche de la paix et de la liberté.
Chers frères et sœurs, hier, vous avez fêté la Bienheureuse Vierge Marie, la Consolata, la « Consola’ », qui « est là : petite et forte, sans faste, comme une bonne mère ». Confions à notre mère le chemin ecclésial et civil de cette terre : Qu’elle nous aide à suivre le Seigneur pour être fidèles, pour nous laisser renouveler tous les jours et demeurer fermes dans l’amour. Ainsi soit-il.