« Il nous est demandé de consoler, d’aider, d’encourager », déclare le pape François aux évêques italiens. Il recommande la fermeté face à la corruption.
Le pape a ouvert les travaux de la 68e Assemblée générale de la Conférence épiscopale italienne (CEI), lundi 18 mai, dans l’après-midi, dans la nouvelle salle du synode, au Vatican, où les évêques italiens se réunissent jusqu’au 21 mai. Le thème de leur assemblée est : « La réception de l’exhortation apostolique Evangelii gaudium ».
« Il nous est demandé de consoler, d’aider, d’encourager, sans aucune distinction, tous nos frères opprimés sous le poids de leurs croix, en les accompagnant, sans jamais nous lasser d’œuvrer pour les soulager avec la force qui ne vient que de Dieu », déclare le pape François.
Il recommande aussi la fermeté contre la corruption : « La sensibilité ecclésiale qui implique aussi de ne pas être timides ou insignifiants pour désavouer ou vaincre une mentalité diffuse de corruption publique et privée qui a réussi à appauvrir, sans aucune honte, les familles, les retraités, les travailleurs honnêtes, les communauté chrétiennes, en écartant les jeunes, systématiquement privés de toute espérance quant à leur avenir, et surtout en marginalisant les faibles et les plus démunis. »
Il indique la voie aux « bons pasteurs » : « Sortir à la rencontre du peuple de Dieu pour le défendre des colonisations idéologiques qui le privent de son identité et de sa dignité humaine. »
Discours du pape François :
Chers frères, bon après-midi !
Je vous salue tous et je salue les nouveaux évêques nommés après la dernière Assemblée, ainsi que les deux nouveaux cardinaux, aussi créés après la dernière Assemblée.
Quand j’entends ce passage de l’Évangile de Marc, je pense : mais ce Marc en a après Madeleine ! Parce que, jusqu’au dernier moment, il nous rappelle qu’elle avait eu sept démons. Mais ensuite, je pense : et moi, combien en ai-je eu ? Et je reste sans voix.
Je voudrais avant tout vous exprimer mes remerciements pour cette rencontre et pour le thème que vous avez choisi : l’exhortation apostolique Evangelii gaudium.
La joie de l’Évangile, en ce moment historique où nous sommes souvent cernés par des nouvelles décourageantes, par des situations locales et internationales qui nous font éprouver affliction et tribulations – dans ce cadre qui est réellement peu réconfortant – notre vocation chrétienne et épiscopale est d’aller à contre-courant : c’est-à-dire d’être des témoins joyeux du Christ ressuscité pour transmettre aux autres la joie et l’espérance. Notre vocation est d’écouter ce que le Seigneur nous demande : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu » (Is 40,1). En effet, il nous est demandé de consoler, d’aider, d’encourager, sans aucune distinction, tous nos frères opprimés sous le poids de leurs croix, en les accompagnant, sans jamais nous lasser d’œuvrer pour les soulager avec la force qui ne vient que de Dieu.
Jésus aussi nous dit : « Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel devient fade, comment lui rendre de la saveur ? Il ne vaut plus rien : on le jette dehors et il est piétiné par les gens » (Mt 5, 13). C’est très triste de rencontrer un consacré abattu, démotivé ou éteint : il est comme un puits sec où les gens ne trouvent pas d’eau pour se désaltérer.
C’est pourquoi aujourd’hui, sachant que vous avez choisi pour sujet de cette rencontre l’exhortation Evangelii gaudium, je voudrais écouter vos idées, vos questions, et vous faire partager quelques-unes de mes questions et réflexions.
Mes interrogations et mes préoccupations naissent d’une vision globale – pas seulement de l’Italie, mais globale – et surtout des innombrables rencontres que j’ai eues ces deux dernières années avec les Conférences épiscopales, où j’ai noté l’importance de ce que l’on peut définir comme la sensibilité ecclésiale : c’est-à-dire faire siens les sentiments du Christ, d’humilité, de compassion, de miséricorde, de sens du concret – la charité du Christ est concrète – et de sagesse.
La sensibilité ecclésiale qui implique aussi de ne pas être timides ou insignifiants pour désavouer ou vaincre une mentalité diffuse de corruption publique et privée qui a réussi à appauvrir, sans aucune honte, les familles, les retraités, les travailleurs honnêtes, les communauté chrétiennes, en écartant les jeunes, systématiquement privés de toute espérance quant à leur avenir, et surtout en marginalisant les faibles et les plus démunis. Une sensibilité ecclésiale qui, comme de bons pasteurs, nous fait sortir à la rencontre du peuple de Dieu pour le défendre des colonisations idéologiques qui le privent de son identité et de sa dignité humaine.
La sensibilité ecclésiale se manifeste aussi dans les choix pastoraux et dans l’élaboration des documents – les nôtres – où ne doit pas prévaloir l’aspect théorico-doctrinal abstrait, comme si nos orientations n’étaient pas destinées à notre peuple ou à notre pays – mais seulement à quelques savants et spécialistes – alors que nous devons poursuivre notre effort pour les traduire en propositions concrètes et compréhensibles.
La sensibilité ecclésiale et pastorale se concrétise aussi en renforçant le rôle indispensable des laïcs disposés à assumer les responsabilités qui sont les leurs. En réalité, les laïcs qui ont une formation chrétienne authentique ne devraient pas avoir besoin d’un évêque-pilote ou d’un monseigneur-pilote ou d’un apport clérical pour assumer leurs responsabilités à tous les niveaux, du politique au social, de l’économique au législatif. En revanche ils ont tous besoin d’un évêque-pasteur !
Enfin, la sensibilité ecclésiale se révèle concrètement dans la collégialité et dans la communion entre les évêques et leurs prêtres ; dans la communion entre les évêques eux-mêmes ; entre les diocèses riches – matériellement et sur le plan des vocations – et ceux qui sont en difficulté ; entre les périphéries et le centre ; entre les conférences épiscopales et les évêques et le successeur de Pierre.
Dans certaines parties du monde, on observe un affaiblissement diffus de la collégialité, que ce soit dans la détermination des plans pastoraux ou dans le partage des engagements économiques et financiers programmés. Il manque une habitude de vérifier la réception des programmes et la mise en œuvre des projets ; par exemple, on organise un congrès ou un événement qui, mettant en avant les voix habituelles, narcotise les communautés, homologuant des choix, des opinions et des personnes. Au lieu de se laisser transporter vers ces horizons où l’Esprit-Saint nous demande d’aller.
Un autre exemple de manque de sensibilité ecclésiale : pourquoi laisse-t-on autant vieillir les instituts religieux, monastères, congrégations, au point qu’ils ne sont pratiquement plus des témoignages évangéliques fidèles au charisme fondateur ? Pourquoi ne cherche-t-on pas à les regrouper avant qu’il ne soit trop tard sous de nombreux aspects ? Et ceci est un problème mondial.
Je m’arrête ici, après avoir voulu offrir seulement quelques exemples de la sensibilité ecclésiale affaiblie à cause de la confrontation continue avec les immenses problèmes mondiaux et de la crise qui n’épargne pas non plus l’identité chrétienne et ecclésiale elle-même.
Puisse le Seigneur – pendant le Jubilé de la miséricorde qui commencera le 8 décembre prochain – nous accorder « la joie de redécouvrir et rendre féconde la miséricorde de Dieu, avec laquelle nous sommes tous appelés à apporter le réconfort à chaque homme et à chaque femme de notre temps… Confions dès à présent cette année à la Mère de la Miséricorde, afin qu’elle tourne vers nous son regard et qu’elle veille sur notre chemin » (Homélie, 13 mars 2015).
Ce n’était qu’une introduction. Je vous laisse maintenant le temps de proposer vos réflexions, vos idées, vos questions sur Evangelii gaudium et sur tout ce que vous voulez demander, et je vous remercie beaucoup !