Que jeunes et vieux s’embrassent : cette vision biblique est celle que le pape François souhaite voir réalisée dans l’Eglise.
Il a consacré sa seconde catéchèse sur les personnes âgées à ce thème, ce mercredi matin, 11 mars, place Saint-Pierre, en présence de dizaines de milliers de visiteurs du monde.
« Comme je voudrais une Église qui défie la culture du rebut par la joie débordante d’une nouvelle étreinte entre les jeunes et les personnes âgées ! », a dit le pape.
Il a rappelé l’émouvante Journée des personnes âgées autour de lui au Vatican l’an dernier, mais aussi il a confié son admiration pour sa grand-mère dont il conserve la lettre qu’elle lui a écrite pour son ordination sacerdotale.
Il a donné en exemple le pape émérite Benoît XVI qui a choisi de vivre cette nouvelle étape de sa vie dans la prière.
Et il a cité Olivier Clément pour souligner la mission de prière du troisième âge : une « vocation » et une « mission » authentiques.
Traduction de la catéchèse :
Chers frères et sœurs, bonjour !
Dans la catéchèse de ce jour, nous poursuivons notre réflexion sur les grands-parents en considérant la valeur et l’importance de leur rôle dans la famille. Je le fais en m’identifiant à ces personnes, parce que moi aussi, j’appartiens à cette tranche d’âge.
Quand je suis allé aux Philippines, le peuple philippin me saluait en disant : « Lolo Kiko » - c’est-à-dire « Grand-Père François » -, ils disaient : « Lolo Kiko ». Une première chose qu’il est important de souligner : c’est vrai que la société a tendance à nous éliminer, mais certainement pas le Seigneur. Le Seigneur ne nous élimine jamais. Il nous appelle à le suivre à tous les âges de la vie et la vieillesse comporte une grâce et une mission, une véritable vocation de la part du Seigneur. La vieillesse est une vocation. Ce n’est pas encore le moment de « rendre les armes ».
Cette période de la vie est différente des précédentes, il n’y a pas de doute ; nous devons aussi un peu « nous l’inventer » parce que nos sociétés ne sont pas prêtes, spirituellement et moralement, à lui donner – à ce moment de la vie – sa pleine valeur. En effet, autrefois, ce n’était pas aussi normal d’avoir du temps à sa disposition ; aujourd’hui, c’est beaucoup plus normal. Et la spiritualité chrétienne aussi s’est laissée un peu prendre par surprise, et il s’agit de définir une spiritualité des personnes âgées. Mais grâce à Dieu, nous ne manquons pas de témoignages de saints et de saintes âgés !
J’ai été très frappé par la « Journée des personnes âgées » que nous avons organisée ici, sur la Place Saint-Pierre, l’année dernière ; la place était pleine. J’ai entendu des histoires de personnes âgées qui se dépensent pour les autres, ainsi que des histoires de couples d’époux qui disaient : « Nous fêtons notre cinquantième anniversaire de mariage, nous fêtons nos soixante ans de mariage ». C’est important de le montrer aux jeunes qui se lassent vite ; le témoignage de fidélité des personnes âgées est important. Et ils étaient très nombreux sur cette place, ce jour-là. C’est une réflexion qu’il faut poursuivre, dans le contexte ecclésial et civil.
L’Évangile nous rejoint avec une image très belle, émouvante et encourageante. C’est l’image de Siméon et Anne, dont nous parle l’Évangile de l’enfance de Jésus, écrit par saint Luc. Ils étaient certainement âgés, le « vieux » Siméon et la « prophétesse » Anne qui avait 84 ans. Cette femme ne cachait pas son âge ! L’Évangile dit qu’ils attendaient la venue de Dieu tous les jours, avec une grande fidélité, depuis de longues années. Ils voulaient vraiment le voir, ce jour, en saisir les signes, en deviner le commencement. Peut-être étaient-ils aussi un peu résignés, désormais, à mourir avant : pourtant, cette longue attente continuait d’occuper toute leur vie, ils n’avaient pas d’engagements plus importants que celui-ci : attendre le Seigneur en priant. Eh bien, quand Marie et Joseph arrivèrent au temple pour accomplir le rite de la Loi, Siméon et Anne se hâtèrent, animés par l’Esprit-Saint (cf. Lc 2,27). Le poids de l’âge et de l’attente disparut en un instant. Ils reconnurent l’enfant et découvrirent une force nouvelle, pour une nouvelle tâche : rendre grâce et rendre témoignage pour ce signe de Dieu. Siméon improvisa un très bel hymne d’allégresse (cf. Lc 2,29-32) – il a été poète à ce moment-là – et Anne est devenue la première prédicatrice de Jésus : elle « parlait de l’enfant à tous ceux qui attendaient la délivrance de Jérusalem » (Lc 2,38).
Chers grands-parents, chères personnes âgées, mettons-nous dans le sillage de ces vieillards extraordinaires ! Devenons nous aussi un peu poètes de la prière : prenons goût à chercher nos propres mots, en nous réappropriant ceux que nous enseigne la Parole de Dieu. C’est un grand don pour l’Église, la prière des grands-parents et des personnes âgées ! La prière des grands-parents et des personnes âgées est un don pour l’Église, c’est une richesse ! Une grande injection de sagesse aussi pour la société humaine tout entière : surtout pour celle qui est trop affairée, trop prise, trop distraite. Il faut pourtant que quelqu’un chante, pour eux aussi, chante les signes de Dieu, proclame les signes de Dieu, prie pour eux !
Regardons Benoît XVI qui a choisi de passer la dernière tranche de sa vie dans la prière et dans l’écoute de Dieu! C’est beau, cela ! Un grand croyant du siècle dernier, de tradition orthodoxe, Olivier Clément, disait : « Une civilisation où l’on ne prie plus est une civilisation où la vieillesse n’a plus de sens. Et c’est terrifiant, nous avons avant tout besoin de personnes âgées qui prient, parce que la vieillesse nous est donnée pour cela. » Nous avons besoin de personnes âgées qui prient parce que la vieillesse nous est donnée précisément pour cela. La prière des personnes âgées est quelque chose de beau.
Nous pouvons remercier le Seigneur pour les bienfaits reçus et remplir le vide de l’ingratitude qui l’entoure. Nous pouvons intercéder pour les attentes des nouvelles générations et donner une dignité à la mémoire et aux sacrifices de celles du passé. Nous pouvons rappeler aux jeunes ambitieux qu’une vie sans amour est une vie aride. Nous pouvons dire aux jeunes qui ont peur que l’angoisse de l’avenir peut être surmontée. Nous pouvons enseigner aux jeunes trop amoureux d’eux-mêmes qu’il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Les grands-pères et les grands-mères forment le « choeur » permanent d’un grand sanctuaire spirituel où la prière de supplication et le chant de louange soutiennent la communauté qui travaille et qui lutte dans le champ de la vie.
La prière, enfin, purifie sans cesse le cœur. La louange et la supplication adressées à Dieu empêchent le durcissement du cœur dans le ressentiment et dans l’égoïsme. Comme c’est triste, le cynisme d’une personne âgée qui a perdu le sens de son témoignage, qui méprise les jeunes et ne communique pas une sagesse de vie ! En revanche, comme c’est beau, l’encouragement que la personne âgée transmet au jeune à la recherche du sens de la foi et de la vie ! C’est vraiment la mission des grands-parents, la vocation des personnes âgées. Les paroles des grands-parents ont quelque chose de particulier pour les jeunes. Et ils le savent, eux. Les paroles que ma grand-mère m’a laissées par écrit le jour de mon ordination sacerdotale, je les ai encore avec moi, toujours dans mon bréviaire et je les lis souvent, et cela me fait du bien.
Comme je voudrais une Église qui défie la culture du rebut par la joie débordante d’une nouvelle étreinte entre les jeunes et les personnes âgées ! Et c’est ce que je demande aujourd’hui au Seigneur, cette étreinte !