"La famille est la famille" et elle a "une force en elle-même" déclare le pape François qui invite à proposer cette bonne nouvelle avec audace aux jeunes, dans le contexte d'une culture au contraire marquée par le "provisoire".
Le pape a en effet reçu en audience, ce lundi matin, 17 novembre, au Vatican, les membres d'un congrès organisé par la Congrégation pour la doctrine de la foi sur la complémentarité homme-femme.
L'intervention du pape François s'inscrit dans la ligne de sa réflexion sur la famille qu'il a demandée à l'Eglise dans le monde entier en préparation aux deux synodes d'octobre 2014 et d'octobre 2015.
Discours du pape François :
Chers frères et sœurs,
Je vous salue cordialement et remercie le cardinal Müller pour ses paroles d’introduction à notre rencontre.
1. je voudrais tout d’abord partager une réflexion sur le titre de votre colloque. « Complémentarité »: c’est un mot précieux, qui peut signifier tant de choses. Il peut renvoyer à plusieurs situations dans lesquelles un élément complète l’autre ou supplée à sa carence.
Toutefois, la complémentarité c’est beaucoup plus que cela. Les chrétiens trouvent son sens dans la première lettre de saint Paul aux corinthiens, là où l’apôtre dit que l’Esprit a donné à chacun des dons différents afin que, comme les membres du corps humain, ils se complètent pour le bien de tout l’organisme, que les dons de chacun puissent contribuer au bien de tous (cf. 1 Co 12).
Réfléchir à cette complémentarité renvoie tout simplement à méditer sur l’état d’harmonie, une harmonie dynamique, qui caractérise le cœur de toute la création. Voilà le mot clef : harmonie. Toutes ces complémentarités, le Créateur les a faites pour que l’Esprit Saint, qui crée l’harmonie, puisse « harmoniser ».
Et vous voici donc tous réunis ici, à ce colloque international, pour approfondir cette question de la complémentarité entre l’homme et la femme. En effet, cette complémentarité est à la base du mariage et de la famille, qui est la première école où nous apprenons à apprécier nos dons et ceux des autres et où nous commençons à apprendre l’art de vivre ensemble. Pour la plupart d’entre nous, la famille constitue l’endroit principal où l’on commence à « respirer » des valeurs et des idéaux, et à réaliser notre potentiel de vertus et de charité. En même temps, comme nous le savons, les familles sont des lieux de tensions: entre égoïsme et altruisme, entre raison et passion, entre désirs immédiats et objectifs à long terme, etc.
Mais les familles c’est aussi un espace où résoudre ces tensions : et ça c’est important ! Quand nous parlons de complémentarité entre l’homme et la femme dans ce contexte, on ne doit pas assimiler ce terme à l’idée simpliste qui dit que rôles et relations entre les deux sexes sont enfermés dans un unique modèle statique. Les formes que prend la complémentarité sont nombreuses, car chaque homme et chaque femme apportent leur contribution personnelle au mariage et à l’éducation des enfants, leur richesse personnelle, leur charisme personnel, et la complémentarité devient alors une grande richesse. Et pas un bien tout court, mais un bien d’une grande beauté.
2. Le mariage et la famille traversent une période de crise. Nous vivons dans une culture du provisoire, où de plus en plus de personnes renoncent au mariage comme engagement public. Cette révolution dans les coutumes et la morale a souvent agité le « drapeau de la liberté », ne provoquant en réalité que des dégâts spirituels et matériels chez beaucoup d’être humains, spécialement chez les plus vulnérables. Il est de plus en plus évident que le déclin de la culture du mariage est associé à une augmentation de la pauvreté et à une série d’autres nombreux problèmes sociaux qui frappent de façon disproportionnée les femmes, les enfants et les personnes âgées. Et, dans cette crise, ce sont toujours eux qui souffrent le plus.
La crise de la famille a entrainé une crise de l’écologie humaine, car comme pour les milieux naturels, les milieux sociaux ont besoin eux aussi d’être protégés. Et même si l’humanité a maintenant compris la nécessité d’affronter ce qui constitue une menace pour nos milieux naturels, nous sommes lents – nous sommes lents dans notre culture, voire dans notre culture catholique aussi – nous tardons à reconnaître que nos milieux sociaux sont eux aussi en péril. Il est donc indispensable de promouvoir une nouvelle écologie humaine et de la faire progresser.
3. Il faut insister sur les piliers fondamentaux qui régissent une nation: ses biens immatériels. La famille reste un pilier de notre harmonie civile et une garantie contre la destruction sociale. Les enfants ont le droit de grandir dans une famille, avec un papa et une maman, capables de créer un environnement propice à leur développement et à leur maturation affective. C’est la raison pour laquelle, dans l’Exhortation apostolique Evangelii gaudium, j’ai mis l’accent sur la contribution « indispensable » du mariage à la société, une contribution qui « dépasse le niveau de l’émotivité et des nécessités contingentes du couple » (n. 66). Je vous dis donc merci d’avoir cette approche à votre colloque en mettant l’accent sur les bénéfices que le mariage peut apporter aux enfants, aux époux eux-mêmes et à la société.
Ces jours-ci, tandis que vous réfléchirez à cette complémentarité entre l’homme et la femme, je vous exhorte à souligner une autre vérité sur le mariage, à savoir que l’engagement définitif à la solidarité, à la fidélité, à l’amour fécond, répond aux désirs les plus profonds du cœur humain.
Pensons surtout aux jeunes qui représentent l’avenir: il est important que ces jeunes ne se laissent pas toucher par cette mentalité néfaste du provisoire et qu’ils soient des révolutionnaires par leur courage à chercher un amour fort et durable, autrement dit aller à contre-courant. Je voudrais dire une chose à ce propos: nous ne devons pas tomber dans le piège des concepts idéologiques pour qualifier cela. La famille est un fait anthropologique, et par conséquent un fait social, culturel, etc. Nous ne saurions utiliser des concepts de nature idéologique pour la qualifier, car ces derniers n’ont de force qu’à un moment précis de l’histoire et donc destinés à déchoir. On ne peut parler aujourd’hui de famille conservatrice ou de famille progressiste : la famille est famille ! Ne laissez pas ce concept ou autres concepts de nature idéologique vous mettre une étiquette. La famille a une force en soi.
Puisse ce colloque être source d’inspiration pour tous ceux qui cherchent à soutenir et renforcer l’union entre l’homme et la femme dans le mariage comme un bien unique, naturel, fondamental et beau pour les personnes, les familles, les communautés et les sociétés.
Dans ce contexte j’ai le plaisir de confirmer que, si Dieu le veut, je me rendrai en septembre 2015 à Philadelphie pour la huitième rencontre Mondiale des familles.
Merci d’accompagner mon service à l’Eglise en priant pour moi. Moi aussi je prie pour vous et je vous donne ma bénédiction de tout cœur. Merci beaucoup.