Pour la seconde fois ce dimanche 21 septembre, à Tirana, le pape François fustige l’usage de la violence au Nom de Dieu (cf. Discours de ce matin, au palais présidentiel), pour mettre au contraire en évidence l’exemple, important « pour le monde », de la coexistence pacifique des religions en Albanie.
Cet usage du Nom de Dieu est un « grand sacrilège » dénonce-t--il devant les représentants des différentes confessions chrétiennes et les représentants des autres religions présentes dans le pays qu’il a rencontrés à 16h, à l’université catholique de Tirana "Notre Dame du Bon Conseil".
« La religion authentique est source de paix et non de violence ! Personne ne peut utiliser le nom de Dieu pour commettre de la violence ! Tuer au nom de Dieu est un grand sacrilège ! Discriminer au nom de Dieu est inhumain », déclare le pape.
Il invite à la mise en œuvre concrète de ce qu’il appelle la « liberté fondamentale » : « La liberté religieuse n’est pas un droit qui puisse être garanti uniquement par le système législatif en vigueur, qui est aussi nécessaire : c’est un espace commun, une atmosphère de respect et de collaboration qui est construit avec la participation de tous, même de ceux qui n’ont aucune conviction religieuse. »
Le pape indique deux voies pour sa mise en œuvre effective. D’une part, « voir en tout homme et en toute femme, même en ceux qui n’appartiennent pas à sa propre tradition religieuse, non des rivaux, encore moins des ennemis, mais bien des frères et des sœurs », autrement dit la fraternité universelle.
D’autre part, « l’engagement en faveur du bien commun », donc la dimension sociale et politique de la foi en Dieu.
Le pape exhorte à l’espérance, à l’attention aux « besoins des pauvres » et à « trouver des chemins vers une justice sociale plus répandue, vers un développement économique inclusif! », car, dit-il, « plus on est au service des autres, et plus on est libre ! ». Une parole d’autant plus forte que l’Albanie s’efforce d’atteindre les critères européens de développement pour intégrer l’Union européenne.
Le pape a improvisé un passage sur m'importance de ne pas trahir son identité: le dialogue "suppose l'identité", car "le plus est important, c'est de marcher ensemble sans trahir son identité, sans la masquer, sans hypocrisie".
Discours du pape François :
Chers amis,
Je suis vraiment heureux de cette rencontre, qui réunit les responsables des principales confessions religieuses présentes en Albanie. Je salue avec un profond respect chacun de vous et les communautés que vous représentez ; et je remercie de grand cœur Monseigneur Massafra pour ses paroles de présentation et d’introduction. Il est important que vous soyez ici ensemble : c’est le signe d’un dialogue que vous vivez quotidiennement, en cherchant à construire entre vous des relations de fraternité et de collaboration, pour le bien de la société tout entière.
L’Albanie a été tristement témoin de telles violences et de tels drames que peut causer l’exclusion forcée de Dieu de la vie personnelle et communautaire. Quand, au nom d’une idéologie, on veut expulser Dieu de la société, on finit par adorer des idoles, et bien vite aussi l’homme s’égare lui-même, sa dignité est piétinée, ses droits violés. Vous savez bien à quelles brutalités peut conduire la privation de la liberté de conscience et de la liberté religieuse, et comment à partir de ces blessures se forme une humanité radicalement appauvrie, parce que privée d’espérance et de référence à des idéaux.
Les changements survenus à partir des années 90 du siècle dernier ont eu comme effet positif aussi celui de créer les conditions pour une liberté de religion effective. Cela a donné à chaque communauté la possibilité de raviver des traditions qui ne s’étaient jamais éteintes, malgré les persécutions féroces, et a permis à tous d’offrir, également à partir de sa propre conviction religieuse, une contribution positive à la reconstruction morale, avant la reconstruction économique du pays.
En réalité, comme l’a affirmé saint Jean-Paul II dans sa visite historique en Albanie en 1993, « la liberté religieuse […] n’est pas seulement un don précieux du Seigneur pour ceux qui ont reçu la grâce de la foi : elle est un don pour tous parce qu’elle est la garantie fondamentale de toute expression de la liberté […] Il n’est rien qui nous rappelle, autant que la foi, que, si nous avons un unique Créateur, alors nous sommes tous frères ! Ainsi, la liberté religieuse est un rempart contre les totalitarismes et une contribution décisive à la fraternité humaine » (Message à la nation albanaise, 25 avril 1993).
Mais il faut tout de suite ajouter : « La vraie liberté religieuse a horreur des tentations de l’intolérance et du sectarisme et promeut des attitudes de dialogue respectueux et constructif » (ibid.). Nous ne pouvons pas ne pas reconnaître combien l’intolérance envers celui qui a des convictions religieuses différentes des siennes propres est un ennemi particulièrement insidieux, qui malheureusement se manifeste aujourd’hui en différentes régions du monde. En tant que croyants, nous devons être particulièrement vigilants pour que la religiosité et l’éthique que nous vivons avec conviction et dont nous témoignons avec passion s’exprime toujours par des attitudes dignes du mystère que l’on entend honorer, en refusant avec résolution comme non vraies, parce que non dignes de Dieu ni de l’homme, toutes ces formes qui représentent un usage déformé de la religion. La religion authentique est source de paix et non de violence ! Personne ne peut utiliser le nom de Dieu pour commettre de la violence ! Tuer au nom de Dieu est un grand sacrilège ! Discriminer au nom de Dieu est inhumain.
De ce point de vue, la liberté religieuse n’est pas un droit qui puisse être garanti uniquement par le système législatif en vigueur, qui est aussi nécessaire : c’est un espace commun, une atmosphère de respect et de collaboration qui est construit avec la participation de tous, même de ceux qui n’ont aucune conviction religieuse. Je me permets d’indiquer deux attitudes qui peuvent être d’une utilité particulière dans la promotion de cette liberté fondamentale.
La première, c’est celle de voir en tout homme et en toute femme, même en ceux qui n’appartiennent pas à sa propre tradition religieuse, non des rivaux, encore moins des ennemis, mais bien des frères et des sœurs. Celui qui est assuré de ses convictions propres n’a pas besoin de s’imposer, d’exercer des pressions sur l’autre : il sait que la vérité a sa force de rayonnement propre. Nous sommes tous, au fond, des pèlerins sur cette terre, et au cours de notre voyage, tandis que nous aspirons à la vérité et à l’éternité, nous ne vivons pas comme des entités autonomes et autosuffisantes, ni comme des individus ni comme des groupes nationaux, culturels ou religieux, mais nous dépendons les uns des autres, nous sommes confiés aux soins les uns des autres. Chaque tradition religieuse, à l’intérieur d’elle-même, doit réussir à rendre compte de l’existence de l’autre.
Une seconde attitude est l’engagement en faveur du bien commun. Chaque fois que l’adhésion à sa propre tradition religieuse fait germer un service plus convaincu, plus généreux, plus désintéressé pour la société tout entière, il y a un exercice authentique et un développement de la liberté religieuse. Celle-ci apparaît alors non seulement comme un espace d’autonomie légitimement revendiquée, mais comme une potentialité qui enrichit la famille humaine par son exercice progressif. Plus on est au service des autres, et plus on est libre !
Regardons autour de nous : combien sont nombreux les besoins des pauvres, combien nos sociétés doivent encore trouver des chemins vers une justice sociale plus répandue, vers un développement économique inclusif ! Combien l’âme humaine a besoin de ne pas perdre de vue le sens profond des expériences de la vie et de récupérer l’espérance ! Dans ces domaines d’action, les hommes et des femmes inspirés par les valeurs de leur propre tradition religieuse peuvent offrir une contribution importante, même irremplaçable. C’est là aussi un terrain particulièrement fécond pour le dialogue interreligieux.
On ne peut dialoguer sans identité, ce serait un dialogue fantôme, il ne sert à rien. Chacun est fidèle à sa propre identité. Sinon, c'ets du relativisme.
Chacun de nous offre le témoignge de sa propre identé à l'autre, dans le dialogue avec l'autre. Le plus est important, c'est de marcher ensemble sans trahir son identité, sans la masquer, sans hypocrisie.
Il ne peut pas y avoir deux équipes: les Catholiques contre le reste!
Chers amis, je vous exhorte à maintenir et à développer la tradition de bonnes relations entre les communautés religieuses existantes en Albanie, et à vous sentir unis dans le service de votre chère patrie. Continuez à être signe, pour votre pays et pas seulement, de la possibilité de relations cordiales et de collaboration féconde entre des hommes de religions différentes. Et je vous demande une faveur, de prier aussi pour moi. J'en ai telement besoin. Merci. Que Dieu vous bénisse.