Encourager les artisans «à faire tomber les murs de l’exclusion»

Le Pape a reçu 5 000 entrepreneurs et représentants de la Confartigianato, fédération professionnelle italienne rassemblant près de 700 000 artisans dans toute la Botte, ce samedi 10 février 2024, en salle Paul VI. L’évêque de Rome a loué l’ingéniosité et la créativité humaine propre à ce secteur, mettant en garde contre la mentalité consumériste du «jetable».


Chers frères et sœurs, bonjour !

Je suis heureux de vous accueillir aussi nombreux, entrepreneurs et représentants de la Confédération, venus de toutes les régions d'Italie. Je salue le Président et vous tous qui faites partie de Confartigianato.

Née en 1946 sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale, votre Association a contribué à la renaissance et au développement de l'économie nationale. Au cours de ces décennies, l'artisanat a connu des transformations notables, passant des petits ateliers à des entreprises qui produisent des biens et des services même à grande échelle. L'utilisation des technologies a accru les possibilités du secteur, mais il est important qu'elles ne finissent pas par remplacer l'imagination de l'homme, créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Les machines répliquent, même avec une rapidité exceptionnelle, alors que les personnes inventent !

Vos activités valorisent l'ingéniosité et la créativité humaines. En particulier, je voudrais souligner à quel point votre travail est lié à trois membres du corps : les mains, les yeux et les pieds.

Les mains. Le travail manuel rend l'artisan participant à l’œuvre créatrice de Dieu. Faire n'équivaut pas à produire. Cela met en jeu la capacité créative qui sait tenir ensemble l'habileté des mains, la passion du cœur et les idées de l'esprit. Vos mains savent réaliser de nombreuses choses qui vous rendent collaborateurs de Dieu. Le Seigneur dit : « Comme l'argile est dans la main du potier, ainsi vous êtes dans mes mains » (Jr 18,6). Bénissez et remerciez le Seigneur pour le don des mains et pour le travail qui vous permet de vous exprimer. Nous savons que tout le monde n'a pas cette chance : certains restent les bras croisés, certains sont au chômage et d'autres sont à la recherche d'un emploi. Ce sont toutes des situations humaines qui ont besoin d'être guéries. Il arrive parfois aussi que vos entreprises soient à la recherche de personnel qualifié et ne le trouvent pas : ne vous découragez pas à offrir des emplois et n'ayez pas peur d'inclure les catégories les plus fragiles, c’est-à-dire les jeunes, les femmes et les migrants. Je vous remercie pour la contribution que vous apportez à l'abolition des murs de l'exclusion envers ceux qui ont de graves handicaps ou sont invalides, peut-être à cause d'un accident du travail, envers ceux qui sont tenus à l'écart et exploités. Chaque personne doit être reconnue dans sa dignité de travailleuse. Ne brisons jamais les ailes des rêves de ceux qui veulent améliorer le monde à travers le travail et se servir de leurs mains pour s'exprimer.

Les yeux. Les mains, maintenant les yeux. L'artisan a un regard original sur la réalité. Il a la capacité de reconnaître dans la matière inerte un chef-d'œuvre avant même de le réaliser. Ce qui pour tout le monde est un bloc de marbre, pour l'artisan est un élément de décoration ; ce qui pour tout le monde est un morceau de bois, pour un artisan est un violon, une chaise, un cadre ! L’artisan arrive avant les autres à deviner le destin de beauté que peut avoir la matière. Et cela le rapproche du Créateur. Dans l’Évangile de Marc, Jésus est défini comme « le charpentier » (6,3) : le Fils de Dieu a été artisan, il a appris le métier avec saint Joseph dans l’atelier de Nazareth. Il a vécu pendant plusieurs années parmi les rabots, les burins et les outils de charpenterie. Il a appris la valeur des choses et du travail. Le consumérisme a diffusé une mauvaise mentalité : la mentalité du « usage unique ». Mais la création n'est pas une somme de choses, c’est un don, « un mystère joyeux que nous contemplons dans la joie et la louange » (Enc. Laudato si’, 12). Et vous, artisans, vous nous aidez à avoir un autre regard sur la réalité, à reconnaître la valeur et la beauté de la matière que Dieu a mise entre nos mains.

Les pieds. Les mains, les yeux... et maintenant les pieds. Les produits qui sortent de vos activités parcourent le monde entier et l’embellissent, répondant aux besoins des gens. L'artisanat est un moyen de travailler, de développer son imagination, d'améliorer les environnements, les conditions de vie, les relations. C'est pourquoi j’aime aussi vous considérer comme des artisans de fraternité.  La parabole du bon Samaritain (cf. Lc 10, 29-37) nous rappelle cet artisanat des relations, du partage ensemble. Le Samaritain s'est fait proche, il s'est penché et a relevé l'homme blessé en le remettant debout et en l'oignant de dignité à travers les gestes de soin. Ainsi, « cette parabole nous montre par quelles initiatives on peut recomposer une communauté à partir d’hommes et de femmes qui font leur la fragilité des autres, qui ne permettent pas qu’une société d’exclusion soit construite, mais se font proches et relèvent et réhabilitent l’homme tombé, pour que le bien soit commun » (Enc. Fratelli Tutti, 67). Nos pieds nous permettent de rencontrer de nombreuses personnes tombées en chemin : à travers le travail, nous pouvons leur permettre de marcher avec nous. Nous pouvons devenir des compagnons de route, au milieu de la culture de l'indifférence. Chaque fois que nous faisons un pas pour nous rapprocher du frère, nous devenons des artisans d'une nouvelle humanité.

Je vous encourage à être des artisans de paix en des temps où les guerres font des victimes et où les pauvres ne trouvent pas d’écoute. Que vos mains, vos yeux, vos pieds soient le signe d'une humanité créative et généreuse. Et que votre cœur soit toujours passionné par la beauté. Merci pour le bien que vous réalisez. Je vous confie à la protection de Saint Joseph, qu’il veille sur vous, sur vos familles et sur votre travail. Je vous bénis de tout cœur. Et je vous demande s'il vous plaît de prier pour moi. Merci !

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